La levure

L’esprit de la bière

Depuis la nuit des temps, la fermentation paraissait être une manifestation occulte, quelque chose de nébuleux, voir mystérieux… un prodige divin en soit. Ces doctrines presque spirituelles, ne furent contestées grâce à la science que durant les deux derniers siècles.  L’art de la fermentation, reste du moins obscur et recèle encore de beaucoup d’énigmes, malgré la documentation abondamment fournit par la science.

Les micro-organismes sont très largement répartis dans notre environnement puisqu’ils peuvent occuper plus ou moins sélectivement la terre, l’eau, l’air selon les conditions de pH, de température et d’humidité qui y règnent. La levure est un organisme à part dans le monde de la biologie, car elle ne fait ni parti du monde végétal, ni du monde animal, c’est un organisme unicellulaire apparenté aux champignons. La levure est à ce point minuscule que même les brasseurs ont longtemps ignoré son rôle exact. Il n’y a pas de boissons fermentées sans levures. Pourtant cet agent essentiel est longtemps resté mystérieux.

Les pionniers du brassage récupéraient les kräusen, cette mousse épaisse qui flotte sur la surface des cuves pendant la fermentation, pour ensemencer le brassin suivant, sans pour autant comprendre le phénomène. C’est le seul ingrédient qui reste secret chez le brasseur. Avant que les travaux des scientifiques Hansen et Pasteur, n’expliquent le rôle des levures dans la fermentation alcoolique, les brasseurs connaissaient déjà empiriquement leur implication dans la qualité de leurs bières.

A partir d’une variété unique sélectionné il y a fort longtemps, les anciens brasseurs ont développé une multitude de souches de levures aux propriétés différentes. Certaines se distinguent par un profil aromatique particulier, d’autres par des propriétés technique comme un goût neutre ou la capacité à résister à l’augmentation du taux d’alcool. Une fois que ce rôle fût scientifiquement établi, la souche de levure utilisée par tel ou tel brasseur est devenu un secret particulièrement protégé, dont aucun ne parle volontiers.

Ils sont certes bavards sur la qualité de leur eau, la provenance de leurs malts, la ou les variétés des houblons qu’ils utilisent (ce qui est déjà moins fréquent), mais pour la souche de levure, c’est le silence radio le plus total. S’il y a bien un secret gardé en brasserie, c’est celui des levures. Car la grande crainte de tout brasseur c’est qu’un autre fasse la même bière que lui (surtout si elle est bonne) et, pour cela il a besoin de connaître la souche de levure utilisée.


Les études de Pasteur aboutirent aux fondements de la microbiologie. La description du métabolisme des levures et sa signification pour la fermentation alcoolique fut mise en place par ce scientifique chevronné, la même année qu’une autre étape importante : Le premier procédé de pasteurisation qui fut appliqué en 1886 permettant d’avoir des bières « inaltérables ». Il montra que les différentes fermentations étaient dues à un micro-organisme bien déterminé et que certains d’entre eux étaient capables de vivre en absence d’air (anaérobie).

Louis Pasteur (1822 – 1895) Chimiste et Physicien français

Le dernier progrès important (si ce n’est le plus important) dans la science du brassage eut lieu vers la fin du XIXème siècle. Dans le laboratoire de la brasserie Carlsberg à Copenhague. Emile Christian Hansen faisait des travaux sur  l’isolation des levures en culture pure, avec lesquelles il « domptait » les levures sauvages. C’est en 1883 qu’il isola la première cellule de levure. Ainsi, le procédé de brassage fut libéré du facteur d’incertitude que représentaient les levures sauvages. Aujourd’hui encore, les brasseries qui cultivent des souches de levures pures, le font dans ce qu’on appelle des « ballons Carlsberg ».

                                         Emile Christian Hansen (1842 – 1909) Mycologue danois

La volonté des brasseurs à faire des bières artisanales de qualité, a conduit depuis des lustres à une sélection rigoureuse et génétique des souches de levure (issues de la même espèce). Dans l’histoire du brassage, ces mêmes souches, sélectionnées intentionnellement ou non, se sont familiarisées à la bière, grâce à la manière de les prélever et de les exploiter, à l’aide de prérequis de fermentation et d’exigences de culture.

De nos jours la maîtrise presque absolue du brassage est accessible, car les levures de bière ont longtemps été examinées sous toutes les coutures, inventoriées, étudiées, domptées, expérimentées. Les bières modernes ont largement été influencées par des caractéristiques recherchées. Le choix des levures est très important pour le brasseur et il à considérablement été animé par des spécificités bien précises tels que : le profil aromatique, la robustesse face à l’alcool, le taux d’atténuation, une dynamique de fermentation rapide, ou encore une floculation modérée pendant la fermentation conduisant à une saveur équilibrée.

Ce qui est intéressant dans l’univers de la fermentation, c’est que même si la science a pu nous livrer une documentation abondamment fournie, celui-ci reste malgré tout pointu et énigmatique. Les levures nous offrent un monde prodigieux rempli de possibilités infinies qui reste à découvrir. 

Comme les autres ingrédients, la levure s’achète chez des distributeurs, le plus souvent sous forme sèche, et parfois sous forme semi-liquide. La première est la plus simple d’utilisation, la seconde demande d’avantage de savoir-faire mais donne des résultats de meilleure qualité.
Cet agent biologique, transforme l’amidon et les sucres présents dans le moût en alcool et en gaz carbonique. L’importance des levures ne se limite pas à cette seule transformation, appelée fermentation. Les levures jouent aussi un rôle décisif dans le profil aromatique final.

Pour la fermentation, la différence tient notamment à la variété de levure utilisée et constitue le critère de distinction entre grandes 3 familles : Ale, Lager, Lambic. On n’est pas obligé de connaître leurs noms scientifiques, mais il faut savoir que ces noms désignent des familles très nombreuses, comprenant des centaines de souches différentes.

Chaque souche de levure possède des caractéristiques spécifiques qui vont fortement influer sur le résultat final. Les bières actuelles sont essentiellement fermentées avec des levures qui déterminent les 3 différentes familles principales s’appelant : Saccharomyces Cerevisiae pour les bières de fermentation haute, Saccharomyces Uvarum (anciennement Saccharomyces Pastorianus ou Carlsbergensis) pour les bières de fermentation basse et Brettanomyces Bruxellensis, B.Lambicus et B.Claussenii pour les bières de fermentation spontanée.